Nous sommes le 27 avril 2013, il est très tôt le matin. Ne pouvant me rendre à la sortie du Club au Sanctuaire des oiseaux du Haut-Canada, je décide de passer par la boisé Marcel-Laurin avant d’aller travailler. La première chose qui sort de l’ordinaire en cette journée de printemps tardif c’est une nuée de moucherolles Phébi. On en voit habituellement quelques-uns l’été, mais aujourd’hui j’en vois une bonne vingtaine dont plusieurs charrient des matériaux de construction. Nicheront-ils au boisé ? C’est ce que je vérifierai au cours des prochains jours, voire des prochaines semaines.
Poursuivant ma route, je repère ensuite une femelle Épervier de Cooper. Elle me regarde mais reste calme et elle n’émet qu’un cri (d’appel ?) de temps à autre. Tout en gardant un œil sur elle, je continue ma promenade et j’aperçois aussi des Corbeaux et des Grives à dos olive en plus des espèces habituelles du boisé (pics, canards, roitelets, cardinaux…). En levant les yeux, je vois deux Grands Hérons au-dessus des arbres. Je suis sûr que j’en verrai bientôt pêcher à l’étang. Il y a aussi un Urubu qui me survole. On en voit à l’occasion à cet endroit, mais ce dernier passe à basse altitude, juste au-dessus de la cime des arbres.
Tout à coup, madame Cooper semble s’agiter. Je reviens vers elle. Elle est nerveuse. Ses cris semblent se précipiter, elle change souvent de branche et regarde vers le ciel. Pourtant, à mon sens, rien dans les alentours ne justifie une telle agitation. Quelques instants plus tard, je vois arriver de loin deux rapaces. Je constate au son qu’il s’agit de deux Éperviers. Est-ce un couple qui arrive ? Non. Quand ils s’approchent, je réalise qu’il s’agit de deux mâles qui se pourchassent l’un l’autre. Ils vocifèrent beaucoup et, rendu au-dessus de la piste au milieu de boisé, celui du devant se retourne pour faire face à son poursuivant. Les deux s’observent en décrivant des cercles d’environ 10 mètres de diamètre. La femelle s’élève alors pour aller décrire des cercles d’un rayon d’environ 20 mètre autour des deux autres. Un affrontement de type « UFC » (« unidentified flying Cooper’s ») paraît inévitable.
Au premier « round », chacun s’élance sur son concurrent toutes serres dehors; le choc est brutal et ils sont déséquilibrés. Chacun tourne autour de l’autre quelques secondes. Au deuxième « round » on s’appuie par la gauche sur l’adversaire en essayant de lui abimer la queue. Au troisième « round », on s’appuie encore sur l’autre en tentant de lui « picorer » le cou et de lui arracher des plumes caudales.
Cet affrontement a été court (30 à 40 secondes), mais violent et intense. Le vaincu a quitté les lieux en direction nord-ouest. Je ne peux constater son état, mais son vol est saccadé, autant en vitesse qu’en altitude. Le vainqueur et madame Cooper se remettent à voler en cercles l’un autour de l’autre cette fois. Ils finissent par partir ensemble vers le sud du boisé. Ce faisant, ils passent tout près de moi ce qui me permet de bien observer le vainqueur. Il est en piteux état : calotte noire pour le moins ébouriffée, plumes du cou toutes retroussées et il lui manque des plumes au centre de la queue. J’espère qu’il sera récompensé par madame Cooper pour ses efforts. Il l’aura bien mérité !
Je suis retourné au boisé plusieurs fois entre le 24 avril et le 4 mai. Plusieurs Moucherolles phébi sont repartis, mais deux couples semblent vouloir rester. Notons au passage une petite nuée de Vachers à tête brune, la présence de Grands Pics et les premières apparitions du Martin-pêcheur d’Amérique à l’étang cette saison. Quant aux suites du combat, tout ce que je peux dire c’est que j’ai revu madame Cooper seule le matin jusqu’au premier mai. Je n’ai pas revu de mâle depuis le 17 avril.
Y a-t ‘il eu formation d’un couple ? Nichent-ils quelque part aux alentours ? Est-ce que madame a rejeté le vainqueur ? Que lui est-il arrivé ? Mystère…
(par André Bellemare)